Comme nous le savons, les Eléphants n’ont pas participé à la coupe du monde 2018 de football. Après leur douloureuse élimination par les petits Lions rouges de Renard, un ami de Comoé m’a fait remarquer que d’autres « grands » avaient été eu aussi éliminés : l’Italie, les Pays Bas, le Cameroun, les Etats-Unis… En somme, les Eléphants étaient dans la cour des grands, sur une liste noble. Tout est donc question de perspective.

J’y ai repensé il y a quelques jours, dans le calme langoureux du non-confinement progressif. L’université est fermée. Cette fois, sans menace aucune d’année blanche. Selon l’UNESCO (https://fr.unesco.org/covid19/educationresponse), les fermetures nationales d’universités « affectent plus de 90% de la population étudiante mondiale. » (Je me demande bien qui sont les 10% encore en cours, épargnés par M. Corona).

Oui, cette fois, l’étudiant que je suis est dans la même cour de récréation que tous les autres étudiants du monde : 90% des étudiants du monde. Je ne fais plus partie de la minorité perdue avec des grèves de professeurs, suivies de grèves d’étudiants, elles-mêmes précédées de grèves de l’administration, le tout pris en sandwich entre deux AG des camarades fescistes qui paralysent tout le campus. Là, nous sommes à 90% embarqués dans la même mésaventure. Ou pour être plus précis, beaucoup d’autres sont un peu embarqués dans la même histoire que moi.

Avec un avantage de taille pour moi : je sais comment gérer les longs mois sans activités, entre les résultats du bac et les orientations à l’université, entre les orientations et le début des premiers cours, entre la fin de la session et la proclamation des résultats, entre la proclamation des résultats et la rentrée solennelle, entre la rentrée solennelle et la présence du premier professeur intrépide en amphi. Pour beaucoup parmi les nouveaux venus dans la non-université, l’incertitude du calendrier académique est anxiogène : moi, l’incertitude, je la porte sereinement dans mes gènes ! Et pour cause, papa aussi à fait la fac à l’Université de Cocody ! C’est quand il était en licence (1990-1991) que l’incertitude a commencé. Et elle s’entête 30 ans après, à persécuter encore les enfants, neveux, nièces, petits neveux et petites nièces, cousins et cousines de ses premières victimes, comme le méchant Thanos à la poursuite de la famille des Avengers.

Mais revenons à nos petits moutons. Depuis le 17 mars, l’université est fermée. Et, mon université aussi est dans la même liste que les universités les plus prestigieuses de la planète bleue. Voyez un peu, dans la même liste qu’Australian National, Berkeley, Bocconi, CalTec, Cambridge, Cape Town, ETH Zurich, Kwazulu Natal, Harvard, Makerere, MIT, Nanyang Technological, Obafemi Awolowo, Oxford, Politecnico di Milano, Stellenbosch, Sorbonne, Stanford, UCLA, Witwatersrand, Yale, etc. etc. De quoi se sentir enfin un étudiant normal : oui, pour une bonne fois, je fais comme les autres, je suis au même niveau que tous les autres, dans la même situation que 90% des étudiants humains !

C’est vrai qu’un trouble-fête pourrait rétorquer : « Mais parmi les autres, beaucoup sont en téléuniversité, comme d’autres sont en télétravail » ; ou encore : « Mais dans quelques jours/semaines, quand l’année va reprendre, nous on sera encore en train de terminer l’année 2018-2019, or eux… » Oui, il y a toujours des Tony-la-poisse dans les environs : toujours ! Je leur réponds qu’il s’agit ici de jouir du moment : Carpe diem !, disaient les Romains. Jouir de l’instant de solidarité, d’égalité, de galère commune. Depuis trente ans, c’est la première fois que mon université se trouve dans un tel ranking mondial. Jouissons du moment !

Alafac DJ, confiné