Choisir, c’est sans doute le sommet de la liberté humaine. La légende raconte qu’un âne affamé et assoiffé est mort de faim devant un seau d’avoine et un seau d’eau faute, de pouvoir choisir lequel aborder en premier (Paradoxe de l’âne de Buridan). Cette liberté -qu’a l’homme de choisir de boire avant de manger, d’aimer ou de haïr et même de renier Dieu- trouve sa source dans sa Raison. C’est bien parce que l’Homme est un être doté de Raison qu’il peut choisir. En cela, la Raison est le corollaire de la liberté. Ainsi, quand la raison est abolie (malade mental) ou en dessous d’un certain âge (mineur), l’on ne pourra plus librement choisir d’accomplir certains actes de la vie.  Mais la liberté de choisir pose une question fondamentale : Comment détermine-t-on son choix ? Comment choisit-on par exemple d’étudier la sociologie plutôt que la comptabilité ? Comment choisit-on de confiner sa population ou de privilégier la solution de l’immunité collective ?

Plusieurs courants s’opposent pour répondre à cette question. Le premier, le rationalisme voue un culte à la raison humaine. L’homme, par sa seule Raison peut tout découvrir et faire des choix éclairés. Dans son ‘’Discours de la méthode’’ René Descartes porte ce courant à son paroxysme. Il va ainsi influencer plusieurs disciplines. En économie par exemple, l’Homo œconomicus chez les économistes orthodoxes serait l’individu, consommateur ou producteur, parfaitement rationnel dans ses choix, cherchant à satisfaire ses besoins au mieux. Dans le domaine des relations internationales, le rationalisme aboutit au réalisme qui pose que les États, sur la scène internationale, calculent parfaitement les coûts et bénéfices de chacune des actions qu’ils posent.

En revanche d’autres courants réfutent l’idée d’un individu parfaitement rationnel. Herbert Simon (P. Nobel d’éco. 1978) écrit ainsi que « La rationalité suppose une connaissance parfaite- et inaccessible des conséquences exactes de chaque choix. Dans la pratique, l’être humain ne possède jamais plus qu’une connaissance fragmentaire des conditions dans lesquelles il agit, ni qu’une vague intuition des régularités et des lois qui lui permettraient d’induire de la connaissance des circonstances présentes les conséquences futures » (Adm. et processus de déc., 1983). Cette approche est très pertinente dans la mesure où elle admet les limites de la Raison humaine. Dans la parabole « des aveugles et de l’éléphant » repris par le poète américain John Godfrey Saxe, on raconte que six aveugles désirant savoir à quoi ressemblait un éléphant allèrent toucher le pachyderme. Seulement chacun ne put toucher qu’une partie de l’éléphant, celui-ci les pattes, celui-là la trompe… Confrontant leurs expériences, ils se mirent à se disputer avec véhémence pour faire prévaloir chacun son point de vue. Et l’auteur de conclure en disant « Même si chacun avait partiellement raison, tous étaient dans l’erreur » car, en effet chacun n’a touché qu’une partie de l’animal sans avoir une idée du tout. On peut voir aussi une autre illustration de l’imperfection de la Raison humaine dans le fameux dilemme du prisonnier d’Albert Tucker.

C’est justement cette imperfection de la Raison humaine et de la connaissance que l’homme peut avoir des conséquences de ses choix qui doit le conduire à l’humilité. L’humilité non seulement pour admettre ses limites et ses lacunes mais aussi et surtout pour faire confiance au Seul qui sait tout. C’est pourquoi St Josémaria donne ce conseil avisé : « Ne prends aucune décision sans t’attarder à considérer la question en présence de Dieu » (Ch. 266). Alors seulement, cesse d’être une folie ou un scandale (1Cor.1, 23-25) le choix que fait une jeune fille ou un jeune homme promis à la richesse, à la célébrité et au luxe de se consacrer au Seigneur à travers le célibat apostolique ou de vivre le mariage comme un sacrement.

Yannick KOUASSI, Doctorant